Hampi on the Rocks
Siddhârta se baissa, ramassa une pierre et la soupesa dans la main. « Voilà, dit il à Govinda d’un ton détaché, voilà une pierre. Dans un temps plus ou moins éloigné, elle sera terre, et de cette terre naîtra une plante, un animal ou un être humain. Hé bien, autrefois j’aurais simplement dit ceci : cette pierre n’est qu’une pierre, une chose de rien, elle appartient au monde de la Maya ; mais comme elle est susceptible, dans le cercle des transmutations, de devenir aussi un être humain, un esprit, je veux bien en reconnaître la valeur. Telle eût été probablement ma pensée autrefois. Mais aujourd’hui je dirai : cette pierre est une pierre, elle est aussi Dieu, elle est aussi Bouddha, je la vénère et je l’aime, non parce qu’elle peut devenir ceci ou cela, mais parce qu’elle est tout cela depuis longtemps, depuis toujours. C’est justement parce qu’elle est pierre et qu’elle se présente à moi sous cette forme, que je l’aime : ses veines et ses creux, ses couleurs, sa dureté, le son qu’elle rend quand je frappe dessus, la sécheresse ou l’humidité de sa surface ; toutes ces choses ont maintenant une valeur et un sens à mes yeux. Il y a des pierres qui sont au toucher comme de l’huile ou du savon, d’autres comme des feuilles, d’autres comme du sable et chacune a son caractère propre et prie le Om à sa manière, chacune est Brahmâ tout en étant aussi et au même degré une pierre avec ses particularités. C’est précisément pour cela qu’elles me plaisent, qu’elles me semblent merveilleuses et dignes d’être adorées.
Mais je t’en ai assez dit. Les paroles servent mal le sens mystérieux des choses, elles déforment toujours plus ou moins ce qu’on dit ; il se glisse souvent dans les discours quelque chose de faux ou de fou... Et ma foi, cela aussi est très bien et n’est point non plus pour me déplaire. Je consens volontiers que la Sagesse d’un homme ait toujours aux yeux de certains autres un petit air de folie. »
Siddhârta - Hermann Hesse
Voyageur incorrigible de l’Inde depuis le début des années 90, j’y ai suivi ce fil conducteur qui m’a toujours fait retourner à Hampi.
Il y fait presque toujours chaud, souvent très chaud. C’est le sud de l’Inde. Le spectacle est grandiose : des ruines imposantes, des collines granitiques érodées jusqu’à l’os, une rivière sacrée d’intérêt majeur pour ses nombreux canaux, la Tungabhadra, et une végétation luxuriante : rizières, bananeraies, cocoteraies, champs de canne à sucre, plantations de cacahuètes et autres cultures locales.
Dès le début, dès le premier jour, j’ai su que j’étais arrivé dans un lieu familier. J’ai eu cette attraction irrésistible pour cet endroit et me suis mis à l’explorer, tranquillement d’abord, puis ensuite à un rythme plus soutenu. Depuis ce temps, périodiquement, je me retrouve dans cette région, ces villages et reviens fréquenter la vie locale indienne. Logeant chez eux, leur quotidien m’aide à comprendre la vie locale qui m’est de plus en plus familière. Les quelques familles chez qui je passe m’ont beaucoup apporté, m’hébergeant, me nourrissant et m’apportant accès à leur culture. Ma curiosité et la fascination d’apprendre une partie de la culture indienne étaient satisfaites. Mes explorations dans les collines (jungle) et ma démarche avec les rochers ont longtemps été incomprises par ces familles, mais toujours respectées.
Et puis, je retourne parcourir ces collines, dans tous les sens, de manière systématique et aléatoire pour me perdre dans ces rochers qui ne cessent de m’étonner (je refile aux off...). Ces restes de montagne sont les témoins et le résultat d’une très, très longue histoire de la terre. Il faut apprendre à les écouter car ils sont tellement vieux...
L’atmosphère y est unique : les ballades plongent le visiteur aux origines d’un monde, hors du temps. Le paysage y est toujours surprenant, changeant, agréable au regard. Par endroits, la nature et le hasard ont créé de véritables œuvres d’art de granit brut, d’une incroyable créativité et diversité dans les formes, équilibres, empilements, textures.
Il faut aimer se perdre dans ce chaos, se faufiler entre les blocs, trouver le bon passage, découvrir de nouvelles zones. Le terrain n’est qu’irrégulier et les sentiers zigzagants sont souvent envahis de buissons épineux et autres cactus. Une expérience en escalade devient alors un bon atout pour éviter les obstacles, prendre les raccourcis, les tangentes ou aller lire le terrain depuis le haut d’un rocher. Cet endroit peut se révéler être un véritable labyrinthe. Malgré le caractère reposant du paysage, évoluer dedans l’est beaucoup moins.
Ces photos amateurs sont bien sûr un bon prétexte pour me retrouver au milieu de ce tas de cailloux ; la collecte d’images serait sans fin. Les indiens qui me connaissent m’ont déjà dit que j’ai du avoir une vie antérieur ici, là-bas...
C’est un grand plaisir de vous faire partager un échantillon de la richesse de cet environnement naturel exeptionnel.
JPascal Moeffaert.
Mes remerciements :
à la famille Singh : Ramlal Singh, Padma Singh, Parshram Singh et les enfants ;
à tous les amis de Hampi ;
à Madan et Sadie;
à Bobby ;
à Rob et Janie;
à Robby et Begum ;
à Jan et Laxmi;
à Naga;
à Ashok et Lata,
à Dilip
et à toutes ces rencontres brèves et amicales au fil de mes ballades.