Hampi on the Rocks
Histoire récente
Au XIX° siècle, les anglais redécouvrirent le site et l’étudièrent (Robert Sewell, Longhurst). Au début du XX°, l’Inde classifia ce site comme historique. Le temple Virupaksha reprit timidement une certaine activité, autour du festival annuel, s’étalant sur une période de un mois et célébrant le mariage des dieux Shiva et Parvati.
Vers 1940, quelques familles très pauvres commencèrent doucement à s’installer à l’année dans cet endroit, dont les plus gros revenus provenaient de ce festival. La nuit, elles s’enfermaient dans le temple, pour se protéger des fauves de la jungle avoisinante...
Ils étaient les premiers résidents depuis la défaite de Vijayanagar. La vie à l’année y était très rude et les conditions de vie très rustiques ; l’état sanitaire y était déplorable. Malgré tout, ces familles ont repeuplé cet endroit et ont formé ce petit village paysan, installé parmi les ruines. Hampi renaissait enfin de ses cendres.
Au début des années 60, quelques touristes, amateurs d’art et tous premiers routards passaient à Hampi de temps en temps.
A partir de 1971, les habitants de Hampi ont commencé à voir arriver une nouvelle classe de visiteurs. Le mot était passé, de plus en plus de hippies débarquaient dans les lieux. Ils vécurent de grands moments de liberté dans ce décor paisible, s’établissant autour du village, au milieu des rochers. Beaucoup vivaient alors le ‘trip’ sâdhu, rejetant toute matérialité et recherchant une libération spirituelle. C’était l’âge d’or du mouvement hippie, du retour à la nature, de l’exaltation du rejet de la société occidentale, de l’émergence de nouveaux horizons dans la fusion occident/orient. Tout était possible... Intègres, ils n’avaient que faire des conventions et se moquaient des jugements.
Certains d’entre eux s’établirent à long terme et se marièrent même avec des locaux, avec plus ou moins de succès dans le temps. Avec les années et à la suite de nombreux abus, le temps usa de l’hospitalité réelle des indiens et de leur tolérance légendaire; le mouvement hippie s’essouffla. Il ne survivait plus en Inde que dans quelques rares endroits isolés, à condition d’une certaine autonomie financière. Certains eurent une vie vraiment passionnante, quoique difficile et chaotique, beaucoup d’autres sombrèrent, après un réveil difficile... Rares sont ceux encore en vie.
En 1973, des recherches archéologiques menées par les époux Filliozat débutaient dans les ruines avec une remise en valeur du site. Et en 1986, sous leur impulsion, le site historique de Vijayanagar fit son entrée dans la liste du patrimoine de l’Unesco.
Début 90, après les hippies et marginaux qui ont été les premiers visiteurs en nombre, arrivèrent les touristes et l’explosion du business. Le tourisme de masse transforma radicalement l’ambiance, ainsi que la mentalité des locaux devenue beaucoup plus mercantile. Hampi-shanti devint rapidement Hampi-busy. A la haute saison, pèlerins indiens, touristes, backpackers et néo-babas se bousculent...
En 1990 ( ?), suite à une erreur humaine au niveau du TB Dam, la rivière sortit de son lit et inonda le village d’Hampi (entre autres...). Il y eu 1.5m d’eau dans le bazar ; beaucoup de bicoques furent détruites ainsi que des plantations. Il n’y eu évidemment pas d’indemnités pour la population.
En 1996, pour dépeupler le village de ses habitants, un village annexe de Hampi fut créé à la lisière des plantations : Prakash Nagar. Au départ offert par le gouvernement aux familles les plus démunies et d’aspect rudimentaire et minimal, Prakash Nagar est aujourd’hui un petit village attractif où les places vides sont très recherchées. En effet, les villageois d’Hampi craignent d’être expulsés par les directives du Master plan. C’est devenu le village banlieue de Hampi.
Vers l’an 2000, avec le développement de la middle class en Inde, le tourisme indien s’intensifia lui aussi. Un pont routier était en construction à Anagondi. Les travaux ont été arrêté avant que les deux bouts du pont ne se rejoignent, pour cause de protection du site historique. Abandonné, il s’écroulera quelques années plus tard.
Parallèlement, Hampi attire une minorité grandissante de grimpeurs venus profiter de ce champ de blocs, étalé à perte de vue. Des grimpeurs marginaux de la première génération (Harry, Pil, ...) venaient déjà fréquenter assidûment ces blocs, longtemps avant la diffusion en 2005 d’une vidéo de Chris Sharma (Pilgrimage) qui fit connaitre Hampi aux grimpeurs du monde entier. Maintenant, un topo guide d’Hampi est publié, reprenant largement des extraits du topo ‘fait maison’ des précurseurs, complété des dernières nouveautés. En fait, la majorité de l’activité des grimpeurs se concentre sur Virrupapur Gaddi (l’île de mousson située en face de Hampi), à proximité des guest-houses.
C’est en 2006 que les premiers cas d’infection au chikungunya sont apparus à Hampi. Cette maladie est transmise par le moustique tigre. Présents tout au long de la journée, les moustiques tigres sont facilement repérables et de nature lente. Ils se laissent facilement éclater. Les cas de malaria restent réguliers dans la région. Fréquents dans le monde rural Indien, Hampi n’échappe pas à la règle. Un réel système d’évacuation des eaux usées dans le village pourrait atténuer les infections. En effet, les drains sont ouverts, remplis de déchets où l’eau stagne, favorisant la prolifération des moustiques. Selon un schéma général, quand le gouvernement décide de plans d’action, les budgets consacrés à ces plans sont systématiquement ponctionnés à chaque échelon administratif. Au final, ces aides arrivent à l’état réduit et imposent des travaux minimaux, voire insuffisants sinon inexistants. Ici, la corruption interfère directement avec la salubrité publique.
Il est quand même conseillé de s’habiller de pantalons légers et chemises à manches longues aussi bien pour se protéger du soleil que des moustiques à la tombée du jour. Et puis aussi le code vestimentaire indien des lieux suppose de ne pas trop exposer en public des parties du corps nues, surtout à proximité du temple Virupaksha.
Diverses pollutions
Consécutif à la masse des touristes, la consommation des produits modernes maintenant disponibles en Inde génère bien sûr de nouvelles collines ... de déchets (bouteilles plastiques, emballages plastiques divers). Il n’existe pas de déchetterie à Hampi. En réalité, malheureusement, ce problème est récurrent à l’Inde entière. Pour les visiteurs de Hampi, une solution simple consiste à ne manger et boire que des produits locaux... Pour des raisons commerciales, les indiens s’adaptent aux touristes en leur vendant ce qu’il leur est demandé.
Tout comme chez nous, la nappe phréatique est très certainement infectée de tous ces produits chimiques, fertilisants et phytosanitaires, déversés dans les cultures. Elle reste cependant potable et même buvable, sans attraper ces maladies redoutées de la paranoïa touristique. On peut donc boire en sécurité l’eau courante distribuée à Hampi ainsi que l’eau des pompes (le goût peut varier d’une pompe à l’autre).
Il existe aussi une pollution atmosphérique dans la région d’Hospet. Depuis l’essor fantastique de l’exploitation du minerai de fer à ciel ouvert, toute la région peut se couvrir d’un voile subtil de poussières. Ce phénomène est variable suivant les saisons. Il est surtout visible aux heures du lever et du coucher du soleil. En période de mousson, l’humidité de l’air se fixe sur les particules de poussière et forme une brume d’épaisseur variable selon leur nombre. La pratique des brûlis de culture accentue encore le développement de ce voile dans le ciel.
La Tungabhadra est sûrement atteinte de pollution, tenant compte des nombreuses villes, villages et usines situé en amont de la rivière. En 1994 ( ?), une usine déversa ses produits nocifs dans la rivière et tua tout les poissons en aval. Il y eut même des buffles morts d’avoir bu cette eau. Le gouvernement trouva la solution en ouvrant les vannes du TB Dam pour évacuer les résidus...par une énorme chasse d’eau. Aujourd'hui encore, il est déconseillé de boire l’eau de la rivière même si des locaux le font par rituel ou par habitude. Pour eux, de toute façon, la rivière est sacrée, donc pure...
Aujourd’hui
Malgré son développement, le village d’Hampi avait sût garder un certain coté champêtre. Une loi limitant les nouvelles constructions empêchait un essor anarchique des lieux. Mais quelques travaux discrets s’effectuaient encore la nuit...
En 2002, le gouvernement du Karnataka (Hampi World Heritage Area Management Authority Act) lança le Master Plan. Ce projet de grande ampleur, associé à l’Unesco, pose les conditions de base du développement touristique futur de toute cette région historique. Ces directives sont étalées à toute une région et concernent la protection des ruines, leur remise en état et leur aménagement ainsi que l’infrastructure permettant leur exploitation. Ces mesures annoncées ne tiennent pas compte des habitants du village. Ayant envahi les ruines historiques du bazar d’Hampi, ils doivent en partir, et au final tout le reste avec. Il y aurait pourtant un autre moyen de remettre en valeur ces ruines tout en y en intégrant marchands et habitants à l’intérieur de celles-ci, préservant ainsi la vie animée de ce bazar.
Le Master Plan veut cesser l’activité interne de Hampi ; il veut vider Hampi de ceux qui l’ont fait renaître. Hampi va devenir un musée vide. Quel gâchis !
Pendant prêt de 10 ans, les villageois de Hampi se sont senti menacés par les directives annoncées, craignant de se faire éjecter du Bazar de Hampi. Ils ont formé des comités et espéré jusqu’au bout que le gouvernement reviendrait sur cette directive. La perspective d'être transféré dans un nouveau centre commercial, à la périphérie du village, est comme un arrêt de mort économique. Surtout, ces familles aiment leur village dans lequel elles se sont investies et installées depuis des années.
C’est le 29 Juillet 2011 à 05h00 du matin que les occupants du Bazar ont dû quitter les lieux, après un avertissement oral de la veille. Des engins mécaniques, escortés de nombreux policiers et de bus pour emmener les protestataires au poste de police ont réveillé le village ce jour là. Il n’y a pas de projets de réhabilitations pour l'ensemble des centaines d’expropriés... Début mai 2016, la moitie des guest houses et restaurants de Virrupapur Gaddi ont été évacués et démolis. Ulterieurement, seuls subsisteront les habitats agricoles et ceux des pêcheurs. Beaucoup applaudiront à ce nettoyage après bien des années de contreverses sur l'évolution des abus de tout genre entendus de l'autre coté de Hampi.
De grands bouleversements sont en cours dans la vie locale. De même, de grandes chaînes hôtelières de luxe attendent leurs autorisations de construire dans les alentours. On y a vu le lobby des grands hôtels d’Hospet se manifester pour arrêter l’activité des guest-houses sur la contreversée île de Virrupapur Gaddi (terrain à vocation agricole...). On a même parlé d’un projet d’aérodrome futur près de Kamallapur. La politique d’accueil va s’en trouver modifiée ; les touristes à fortes devises étant préférés aux back-packers moins rentables financièrement...
C’est l’image future de la mondialisation touristique qui se dessine et se met en place sur ce qui était encore un village vivant quelques années auparavant, malgré ses défauts. Aujourd'hui se présentent des palaces luxueux à 250€ la nuit qui se promettent de titiller vos sens à l'aide de saunas, massages et diners inoubliables dans des décors antiques et rochers reconstitués...
( ...extension d' Hyderabad ;)
La population locale se trouve souvent désemparée et exclue face à un tel choix politique et démuni de ne pouvoir se projeter dans le futur. En quelques années seulement, le développement touristique et économique ont profondément bouleversé la vie de tous les habitants d’Hampi.
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